Même pas peur (3/5) – Radicalisme
Par peur, par gêne ou par simple mépris, nous n’osons pas regarder en face les visages de ceux qui incarnent la misère et l’échec de notre système qui avait pourtant l’ambition de ne laisser personne dans l’extrême pauvreté.
Autrefois, le SDF était le marginal, l’Autre ; aujourd’hui, il est devenu un symbole des ravages de la crise.
L’image du sans-abri clochard alcoolique est dépassée car la précarité n’épargne personne.
Elle touche un nombre croissant de femmes, avec comme cause première les problèmes conjugaux. Moins visibles que les hommes dans l’espace public, les femmes en errance présentent des vulnérabilités particulières, d’autant plus qu’elles sont souvent accompagnées d’enfants. Le phénomène des familles en errance augmente également et dépasse largement les capacités d’intervention des associations qui agissent au quotidien.
Mais avons-nous peur ? et de quoi ?
Des études montrent que nous sommes de plus en plus nombreux à redouter de nous retrouver un jour SDF, nous-mêmes ou nos proches. Plus la crise économique s’installe dans la durée, plus elle envahit la réalité quotidienne et plus la peur progresse et s’intensifie. En particulier pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants, ou les retraités obligés de continuer à travailler pour boucler leurs fins de mois. Certains individus semblent plus menacés : ceux qui ont des difficultés à créer des liens, ceux qui vivent déjà dans une précarité psychologique et matérielle, ou encore les “errants”, ces incasables, qui ne réussissent jamais à se fixer vraiment.
Notre maison est notre enveloppe protectrice, c’est une partie de nous, de notre identité. Aussi la crainte de perdre son toit, d’être chassé de son univers familier se transforme aussitôt en peur de disparaître : « Si je n’ai plus d’adresse, comment pourrai-je m’adresser aux autres et qui va s’adresser à moi ? » Cette peur se nourrit souvent d’un manque de confiance en ses propres capacités d’agir.
Dans notre inconscient, la figure du SDF attire et répugne à la fois. Par son exclusion, il incarne les parties de nous que nous n’acceptons pas. Et nous pressentons que nous pourrions connaître le même sort car, après tout, s’il en est là, pourquoi pas nous ? D’où notre attitude ambivalente, faite de compassion et de rejet.
Comment vaincre cette peur d’être confronté au SDF, voire même de le devenir ?… alors que nous voyons le phénomène s’amplifier, que dans les rues des grandes villes, nous y sommes partout confrontés. En devenant Franc-Maçon, nous avons fait le serment de travailler sans relâche au progrès de l’humanité. Accepter que des femmes et des hommes vivent dans la rue est impossible.
Utilisons nos outils maçonniques pour plus de solidarité et de justice, pour rendre la dignité à ces personnes blessées par la vie. Rejoignons une des nombreuses initiatives qui existent pour :
accueillir la personne sans abri, l’écouter, lui permettre de se poser, lui proposer une activité culturelle ou sociale ;
offrir des services d’hygiène et de santé, des vêtements, … ;
aider à effectuer les démarches administratives ;
organiser des structures d’accueil ;
accompagner les personnes précarisées dans leur recherche d’un logement durable, les soutenir durant leur réinsertion ;
mener des initiatives pour inciter les propriétaires à accepter comme locataires des personnes en situation de précarité ;
faire émerger de nouvelles solutions de logement comme les ‘habitats légers’, les logements modulaires ou les petits logements intégrés dans des immeubles de bureaux vides.
Si, sur notre chemin, nous rencontrons un SDF, essayons de créer le dialogue, croisons son regard pour qu’il ait confiance. Demandons-lui s’il a besoin de quelque chose. Tant de gens ignorent ceux qui sont dans la rue. Ce sont des invisibles. Leur dire bonjour, leur souhaiter une bonne journée ça les rend visibles. Essayons de créer le lien. C’est difficile, mais tellement important.
20190422-18