Grande Loge Féminine de Belgique •
Vrouwengrootloge van België

 

La transmission, legs universel

Un legs est un héritage requérant une relation particulière entre le légataire et l’héritier, sans qu’il n’y ait filiation.


Le legs universel est une transmission à titre gratuit d’un patrimoine immatériel, moral et philosophique. C’est un don de soi.


L’Homme a toujours manifesté la volonté de donner en héritage les fruits de ses découvertes ou de ses observations dans le monde familial, scolaire, professionnel ou autre.


En famille, outre ses secrets bien gardés, les us et coutumes nous étaient transmis par le vécu ou le récit de nos aïeux ; un savoir hérité du passé, souvent répété de génération en génération.


La transmission a toujours été une question de survie, une chaîne de vie pour l’humain qui inconsciemment garantit la perpétuation de notre espèce par héritage génétique et pour nous Franc-Maçonnes de préserver notre patrimoine philosophique, symbolique et spirituel au fil des siècles en nous trouvant dans l’obligation consciente et volontaire de choisir des symboles devenus porteurs de sens.


La transmission peut ainsi se définir comme un vecteur de connaissances, de mystères, d’interdits… Elle est cette identification collective qui construit la cohérence et la cohésion de l’Humanité en assurant sa perpétuation. Dans notre société où trône la dualité des valeurs morales et matérielles, la pérennité de la transmission est un défi de taille. Transmettre n’est pas discourir intellectuellement. Transmettre c’est créer le mouvement, de génération en génération sur ce qu’on a soi-même reçu et qu’on estime précieux et essentiel… c’est la volonté d’en faire don à l’avenir. Transmettre c’est partager son expérience ; notre devoir moral afin que ce que nous vivons ne meure pas avec nous et surtout pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus.


Au XXIe siècle, la transmission ne s’inscrit plus malheureusement dans le collectif mais dans l’individualisme. Les réseaux de diffusion se multiplient et accélèrent notre réactivité jusqu’à mener à la confusion inévitable entre la transmission et son substitut… la communication. On communique à outrance aujourd’hui pour masquer qu’on ne transmet plus ! On a plus de moyens de communication que de choses à se dire.


Allons-nous perdre ce fil d’Ariane qu’est la transmission, gage de survie ?

Dans son ouvrage, « Malaises de la transmission », Régis Debray fait remarquer que nous sommes la première culture qui possède les moyens de masquer notre crise de la transmission dans l’inflation communicative. En effet, notre espace et notre temps sont asservis ; notre territoire virtuel se dilate alors que notre temps se réduit à peau de chagrin, par un présent toujours plus présent et inféodé à l’immédiat. Les jeunes générations n’ont plus de repères temporels, ni d’inscription dans l’histoire en naviguant sur la toile ; ils surnagent dans la chronologie pour finir par s’y noyer. Ils communiquent, c’est-à-dire qu’ils transportent en permanence instantanément une information dans l’espace alors que transmettre, c’est transporter une information dans le temps afin de surmonter l’éphémère pour s’inscrire dans l’histoire.

Le rapport au temps en devient problématique. La gouvernance par l’immédiat, le provisoire, l’éphémère conduit à une rupture inévitable de la continuité. Notre société ne semble plus nourrir sa mémoire vivante. À l’ère de l’obsolescence programmée et du transhumanisme, quelle est encore la place de la transmission de notre vécu, des valeurs fondamentales liées au respect de soi et des autres, des valeurs humaines, artistiques ou intellectuelles ?


Est-ce pour cela que nous voulons nous éloigner d’un monde où l’avoir prime sur l’être ?  Nous sommes en quête de sens, nourries du désir de progresser, de comprendre pour agir en toute liberté. Nous aspirons à quitter un monde d’apparence pour un monde plus intime fait d’émotion et de confiance partagée. À chaque époque, la transmission participa à la construction de l’individu ; c’est une transmission d’accompagnement vers soi. Elle suscite le mouvement des idées, l’enthousiasme et l’envie d’accomplir.

Qu’avons-nous de si particulier, de si précieux à transmettre ? Certainement pas une vérité ni un savoir ! La transmission est mouvement entre celui qui donne, celui qui reçoit et le contexte ; un peu comme un phénomène de contagion. Transmettre, c’est susciter des attitudes bienveillantes et humbles, sans relation de pouvoir. C’est se mettre à la disposition ; être à l’écoute. Transmettre, c’est offrir ; c’est un véritable acte d’amour. La transmission est vivante ; elle respire, elle est le poumon de l’Humanité. La transmission a toujours garanti la traversée des grands chambardements afin que l’histoire se perpétue et que les erreurs ne se reproduisent plus. Elle est défi au temps ; c’est un moyen de résistance pour un futur durable.


La transmission est ce qui permet aux femmes libres et maîtres d’elles-mêmes de trouver leur chemin dans un avenir complexe. Elle nous protège des dérives culturelles et sectaires de la pensée unique et elle veille au respect de la liberté de conscience.